6 avril 2020
10 minutes

Repenser son marketing en période d’incertitude.
Les 3 conseils de Rand Fishkin

Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Rand Fishkin est le co-fodontateur d’Inbound.org (revendu à Hubspot) et de Moz, site de référence pour les experts du SEO. Originaire des États-Unis, il est basé à Seattle et a popularisé le SEO notamment grâce à ses vidéos hebdomadaires de moins de 15 minutes : « les Whiteboard Friday » !

Et vendredi dernier, il a partagé sa vision de faire du marketing dans des moments caractérisés par l’incertitude, comme celui que nous traversons. Pour Rand, il faut aider les gens à traverser cette crise, il faut continuer à faire du marketing, en se retroussant les manches et en travaillant dur certains axes plutôt que de choisir de stopper les actions. Nous avons reproduit dans cet article une synthèse en français des propos inspirants de Rand Fishkin, que l’on remercie pour son accord !

Revenons tout d’abord au constat qu’il établit, avant de découvrir les tactiques qu’il nous propose à travers trois grands principes et des exemples concrets.

Le monde des affaires connaît des répercussions généralisées

Actuellement, la priorité est à la maîtrise de la pandémie. D’un point de vue soin, prévention, recherche, c’est la bonne chose à faire. De cette crise sanitaire, certaines industries pâtissent alors que d’autres montent en flèche pour des raisons liées au coronavirus.  Nous avons dû arrêter de poursuivre tout ce que nous faisions habituellement pour rester confinés au maximum. Et la réduction des dépenses de consommation dans la sphère privée est aussi présente dans la sphère professionnelle.

Dépenses réduites, coupes budgétaires, diminution des investissements et chômage technique : autant de facteurs créant un environnement de peur

La situation laisse apparaître des coupes budgétaires dans les entreprises, qui savent que la demande va diminuer. Les investissements sont en décroissance, et de plus en plus d’individus se retrouvent au chômage. Aux États-Unis, ce sont près de 10 millions de travailleurs qui sont déjà sans emploi, selon les dernières statistiques du gouvernement fédéral. Ce contexte contribue à réduire les dépenses dans tous les domaines. Cependant, ce qui est intéressant à propos de la période que nous traversons est qu’elle est compressée dans le temps. La peur n’est pas n’est pas celle de ce qui va se passer à long terme, mais la crainte que l’on prenne du temps à se remettre de la récession. Rand projette d’ici 3 à 18 mois la reprise et un retour à une nouvelle normalité.

Tout l’enjeu pour le marketing est de changer de ton et d’attitude maintenant. Les entreprises doivent embrasser le changement en focalisant leur attention sur trois éléments.

1. Couper avec un « scalpel », pas avec une « tronçonneuse »

Premièrement, les entreprises cherchent en priorité à économiser un maximum, mais doivent garder en tête de ne pas avoir une approche « à la tronçonneuse » de toutes leurs actions. Les agences ou les consultants sont certainement confrontés à des clients désirant identifier tout ce qui est reportable dans le temps tout en gardant un ROI, mais couper l’ensemble des campagnes marketing online, ou tous les investissements en marketing de contenus n’est probablement pas la bonne façon de procéder.

La recommandation est plutôt d’avoir une approche « au scalpel » en cherchant à examiner chaque canal, chaque contributeur individuel à l’intérieur des canaux, et en définissant ceux qui ont des ROI positifs afin de ne pas les couper trop tôt. Rand suggère de ne pas se reposer sur l’analyse des tendances des trois dernières semaines – très gelées compte tenu de la situation – mais de remonter 6 à 12 semaines dans le passé pour analyser et trier où sont les tendances, et les lignes de vie sur lesquelles capitaliser afin de ne pas stopper trop tôt certaines campagnes.

A titre d’exemple pratique, le guide de Seer Interactive explique comment analyser ses comptes Google Adwords  pour trouver les mots clés qui vous envoient probablement encore du trafic précieux et que vous ne devriez pas retirer de vos campagnes. Les annonces sur Facebook, Instagram, Twitter et YouTube peuvent atteindre des prix historiquement bas, il faut se questionner sur l’opportunité d’investir maintenant si le canal a un ROI positif.

Il souligne qu’aujourd’hui tout le monde achète en ligne, utilise les entreprises en ligne et que nous vivons actuellement la première vague de la crise, mais qu’il s’agit seulement d’un laps de temps correspondant à la quarantaine et que passé ce délai il y aura une seconde vague puis une troisième caractérisée une nouvelle normalité.

2. Investir dès maintenant pour les deuxième et troisième vagues du futur

Deuxième chose, Rand préconise d’investir maintenant pour anticiper demain.

Fondamentalement, nous traversons la première vague, qui durerait encore deux à six semaines, et dans laquelle nous consommons énormément d’informations liées au virus. Puis arriveront une seconde vague de transition en mai, et une troisième en 2021 : celle de la nouvelle normalité d’après-crise, qu’il aura fallu préparer.

Les actions et leviers marketing qui peuvent être travaillés pendant la période de la crise seront autant d’atouts servant la reprise. En analysant ce qui peut être utile aux clients aujourd’hui mais aussi dans quelques semaines, les entreprises peuvent prendre de l’avance sur la concurrence. Tout ce qui se trouve dans l’inventaire marketing peut être utile aux gens, non seulement pendant cette période, mais aussi après pour préparer d’ores et déjà demain.

Des recherches menées par Bloomberg tendent à montrer que ceux qui investissent dans le marketing et dans les ventes pendant une récession ont tendance à surperformer et à surpasser plus rapidement la concurrence à mesure que les marchés reprennent. Comme le souligne la Harvard Business Review : « En moyenne, l’augmentation des dépenses de marketing pendant une récession a stimulé la performance financière tout au long de l’année suivant la récession». De plus, selon Rand, « le marketing que vous faites aide à stopper la dangereuse baisse des dépenses des consommateurs et des entreprises qui peut créer de futures crises ».

 3. Savoir « Lire la salle »

La troisième chose, et possiblement la plus importante selon lui à l’heure actuelle, est de réussir à « Lire la salle ».  Pour comprendre cette notion, l’idée est de prendre en compte rapidement les caractéristiques importantes d’une pièce – y compris, l’humeur, les préjugés et les tendances de ses occupants – afin de prendre une décision éclairée sur la façon dont on souhaite se positionner dans cette salle.

Imaginez que vous êtes entré dans un espace religieux. Cette pièce est sacrée pour les personnes qui s’y trouvent. Lorsque vous parlez, tout ce que vous dites est interprété dans le contexte de l’endroit où vous vous trouvez. C’est exactement ce que le Covid-19 a fait à notre planète. Le monde entier vit cette crise. Rand précise que « Lorsque vous envoyez un tweet, écrivez un e-mail, publiez un article de blog, organisez un webinaire, diffusez ou amplifiez quoi que ce soit dès maintenant, vous envoyez ce message dans le contexte de l’épidémie de coronavirus. Rien n’existe sans le filtre de la crise virale et les douleurs et restrictions qu’elle inflige. »

Les individus souhaitent un certain sentiment de normalité, un espace loin du battement de tambour de l’augmentation des décès, de l’augmentation de la durée de la quarantaine, de l’augmentation des risques pour notre santé économique mondiale et nationale.

Les spécialistes du marketing doivent être conscients de cela et savoir répondre en conséquence, en élargissant leur empathie : Que ressentent les clients ? Quelles sont leurs sources d’influence (presse, médias, journalistes, influenceurs sociaux, podcasteurs, YouTubers, têtes parlantes sur les webinaires…) et que ressentent-elles ? Quels éléments sont partagés par l’ensemble des parties prenantes du réseau ? Comment réagir en conséquence ?

Quelques éléments de réponses tactiques :

  • Arrêter le marketing purement auto-promotionnel. Quoi que vous fassiez, vous devez trouver un moyen de le relier à l’aide que vous fournissez, à la situation que vous améliorez.
  • Ne pas créer de contenus uniquement liés à la crise. Il est important d’élargir son contenu éditorial en gardant en tête que l’on est informés et conscients du contexte de l’événement.
  • S’assurer ne pas ignorer que la crise est présente en adaptant ses actions grâce à un audit marketing. Comment ? En vérifiant l’expérience marketing dans son intégralité pour rechercher des messages qui n’ont aucun sens pour l’instant et en adaptant le ton et les tactiques. Rand recommande de passer en revue les newsletters, les plannings éditoriaux, les e-mails séquentiels qui se trouvent dans les outils de marketing automation et d’éventuellement retravailler les pages d’accueil et les pages À propos, avec sincérité.
  • Questionner le lancement d’un produit ou d’une campagne clé. Si l’opération peut attendre, il vaut mieux la repousser de quelques semaines ou mois pour ne pas diffuser un message hors de propos, pour ne pas rivaliser avec des contenus plus dignes de temps et d’attention pour chacun – plus appropriés à cette salle dans laquelle nous sommes tous -. D’après Rand, « En attendant le bon moment pour diffuser votre campagne vous vous donnez une meilleure idée du succès futur. Vous donnez également de l’espace et de l’air à ceux qui en ont besoin maintenant. Et vous donnez un coup de fouet à une économie future qui aura besoin de votre aide pour se remettre sur le chemin de la reprise. »
  • Ne pas exploiter la crise d’une manière éhontée mais montrer comment votre entreprise, si elle le peut, aide. Les opinions à ce sujet varient, sur une communication qui pourrait être altruiste et rester discrète mais les sciences sociales nous montrent que la meilleure façon d’encourager plus d’altruisme et d’actes utiles, c’est d’en faire l’écho.

Finalement, le meilleur type de contenu à créer, le meilleur type de marketing à mettre en place en ce moment sur n’importe quel canal, n’importe quelle plate-forme, doit aider en premier. D’une façon importante ou par touche.  Il est normal de reconnaître que cette crise affecte vos clients et de parler de choses qui ne sont pas directement liées mais qui leur sont toujours utiles.

Restez en sécurité. Restez à la maison. Lavez-vous les mains. Ensemble, nous allons passer au travers de la tempête.

Pour voir la vidéo de Rand Fishkin en anglais, c’est ici !

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Damien
Damien Andrieu En plus de 17 ans de parcours au croisement du marketing et de l'IT, j'ai acquis une conviction sur le rôle de transformation porté par le marketing. Transformer implique de comprendre, conseiller, accompagner, se projeter et mettre en œuvre. C'est cette recherche d'impact et de partage d'expérience qui m'anime au quotidien !
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